La femme à sa fenêtre

Je regarde cette femme à sa fenêtre (on a tous regardé une femme à sa fenêtre).

Que regarde-t-elle à l'orée du bois ?
Elle n'est pas postée en sentinelle derrière ses carreaux ; elle n'est pas non plus penchée au-dehors comme si elle avait laissé tomber quelque chose.
Elle est posée là, immobile et tranquille comme un oiseau sur sa branche habituelle à l'abri du feuillage.
Elle ne tient rien à la main : ni chiffon (elle ne vient pas de nettoyer ses vitres) ni arrosoir (il n'y a pas de jardinière à cette fenêtre).
Se laisse-t-elle seulement captiver par tous les caprices de l'air ?

Elle a posé son menton sur la paume de sa main gauche, le coude appuyé sur le garde-corps, où l'autre bras repose librement. 

Est-ce que cette femme guette le retour de son mari ?

Non, il n'y a pas d'attente dans son attitude.
Observe-t-elle, immobile, un animal venu rôder près de chez elle ?

Un renard ? un chevreuil ?
Plutôt une biche, qui la regarderait calmement, en partageant avec elle la même fin d'après-midi d'automne.
Rien ne trouble cette paix, pas même une abeille tardive : tout semble durer.
Je regarde ma femme à sa fenêtre, et je ressens profondément le bonheur de vivre ce bel instant d'éternité.

Que regarde-t-elle ?
 
François Beautier